Plitique , Etat de droit et democratie en Tunisiie
Published on February 27, 2005 By Yahyaoui Mokhtar In Politics

Rapports de Mission

Avec le dernier rapport sur la Tunisie de l'IFEX un autre chapitre du livre noir de la dictature s'ajoute dans le dossier de dénonciation des dérives autoritaires que connaît notre pays ces dernières années. « La liberté d'expression assiégée  » semble un titre fort pour exprimer la stupéfaction de la mission sur la gravité de la situation dont ils ont pu faire le constat directement [1]. Pourtant si ce n'était que l'expression qui est assiégée dans ce pays cela aurait pu passer et nous aurions pu comprendre ceux qui nous font patienter à vivre comme des muets. Nous ne savons plus par qui ni pourquoi ni depuis quand l'état de siége est décrété sur ce pays transformé en véritable goulag pour ses habitants. La vie pourtant continue calmement présentant un pays attrayant ou rien ne peut perturber les nostalgiques de l'attrait de son soleil et de ses plages et de ses hôtels bon marché sauf l'excès de sollicitude hospitalière de ses habitants qui cultivent au fond de leur secret l'espoir de pouvoir s'évader.

Face à ce qui est réellement le sort du citoyen ordinaire en Tunisie, ces rapports ne font que décrire des situations enviées de personnes qui ont déjà acquis la protection de la notoriété et qui sont en rupture de puis longtemps avec la dictature.

Dans un précédent rapport Amnistie Internationale avait choisi « le cycle de l'injustice  » comme titre aux conclusions de sa mission. D'autres organisations internationales et non des moindres font l'unanimité dans la description d'une situation qui n'a aucun trait d'union avec le respect des valeurs des Droits de l'Homme, de la justice, de l'égalité et de la liberté par les autorités [2].

Cela fait de la communauté des ONG internationales le plus important parti d'opposition en Tunisie. Si des partis d'opposition existent et sont légalement reconnus à l'intérieur même du pays toute activité leur demeure de fait rigoureusement interdite. Piégés par leur existence même à prouver leurs assises et leur représentativité pour ne servir en fin de compte que de caution à la dictature pour se prévaloir de la légitimité d'une unanimité jamais remise en question par la société.

Cette unanimité est réelle aujourd'hui en Tunisie. Tous les rapports produits jusqu'aujourd'hui ne font que relater les conditions du sort réservé à une minorité, les mêmes individus dont on cherche à modérer les propos aigris par une insupportable condition d'oppression et d'arbitraire dans tous les domaines de leur vie et qu'on ne peut empêcher de reconnaître la véracité des propos et de relater les quelques détails rapportés au cours des quelques minutes d'entretien dont peuvent se rappeler les plus chanceux qui ont pu avoir des rendez-vous pour ces entretiens. Le peuple lui est égal à lui-même dans sa réclusion dans le silence qu'on traduit avec beaucoup de propagande et de manipulation en consentement.

Quand le pouvoir se produit en ennemi de la liberté il n'y a que la terreur et la peur qui peuvent dominer les comportements des gens. Par calcul, par opportunité ou par simple lâcheté la peur est le véritable pouvoir par lequel notre pays continue d'être gouverné. Il n'y a aucune différence entre un ministre dont les véritables prérogatives sont réduites à un simple employé à l'écriture pour parfaire les dispositions les plus abjectes de spoliation et d'arbitraire. Un député désigné pour dire oui à ce qu'on lui demande de voter ou un bureaucrate zélé dans sa mission de laquais au service de ceux qui l'ont nommé dans sa fonction. Tout comme un directeur de journal qui ne fait que javelliser les textes de ses subordonnés pour produire une image et une impression d'hypocrisie et de vanité dans l'éloge aux corrompus et aux tyrans de tout niveaux. Comment en vouloir à un banquier qui sait qu'il ne doit sa fonction qu'à sa soumission aux escrocs qui ne vont jamais restituer les crédits ou le chef d'entreprise publique ou privée qui ne doit la survie de son projet qu'à son consentement au racket exerçé sur lui et qu'il paye volontiers et sans brancher quand on sait que tout peut devenir objet de chantage et servir en moyen de persécution. Face à cette déchirante et humiliante contradiction que subit tous ces puissants le simple citoyen n'est plus aujourd'hui que le paillasson sur lequel on essuie les pieds avant d'entrer.

Nous sommes accablés de subir ce qu'on méritait. La vie sous la tyrannie détruit tout ce qu'il y a de pur, de vrai et de bon dans l'essence de notre humanité. En cherchant chacun à se résoudre sur son propre sort au dépend et essentiellement au détriment de son voisin le cycle de l'humiliation continue à nous enfoncer plus profond encore dans la perte de nos valeurs. En cherchant chacun à se sauver individuellement de la calamité de la situation et en tombant devant la faiblesse en profitant égoïstement de la situation, notre société est gangrenée par le mal qui se propage dans son corps détruisant tout espoir de rétablissement ou d'une vie meilleure.

Cette colonisation intérieure nous humilie au plus profond degré qu'on a besoin de ces occidentaux pour venir de temps en temps s'apitoyer sur notre sort alors que leurs gouvernements continuent de soutenir et de vanter les succès de nos oppresseurs tout en nous chantant la rengaine des réformes et de la nécessité de la démocratie dans nos pays. Quand nous observons cette intime complicité avec nos dictateurs que font sous couvert de diplomatie les dirigeants des plus grandes démocraties nous ne pouvons que donner raison à la majorité de nos concitoyens d'être suspicieux sur leurs véritables intentions.

Mokhtar Yahyaoui

mercredi 23 février 2005


[1] L'un des membre de la mission commentant la réaction des autorités sur la non objectivité des conclusions a sèchement repondu que des milliers d'experts se rendront prochainement en Tunisie à l'occasion du sommet du SMSI et constateront de visu la réalité qualifiant de ridicule l'organisation de ce sommet dans un tel pays.

[2] voir les différents rapports de la FIDH, HRW, RSF, OMCT, ICJ pour ne citer que certaines organisations.


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