Par Sami Ben Gharbia,
13 janvier 2005
La mascarade électorale du 24 octobre 2004, ses conséquences sur la
scène politique tunisienne, le piège de « la libération » des
prisonniers politique islamistes et ses séquelles dans les rangs d’Annahdha
: tous ces événements et non événements ont coïncidé avec les
spectacles de la victoire de l’opposition ukrainienne rapportée par
des médias qui ont ouvertement choisis le camp de Viktor Loutchenko, à
la fois candidat de l’opposition et… fils du système politique
contesté - détail important qu’on peine à mentionner
Rien de plus frustrant que de voir les autres réussir là où on ne fait
qu’échouer. Dans de telles conditions il était donc normal de se poser
la question pourquoi se qui se passe en Ukraine ne se passe pas
chez-nous en Tunisie ? En quoi le peuple ukrainien ou géorgien, qui se
tient sous le froid pour manifester son soutien à l’opposition, est
meilleur que notre peuple tunisien ? Et qui est mieux placé que notre
poète national Abou el Quasim Chabbi pour réponde à ces questions
déchirantes, lui qui a tant souffert du peuple tunisien. Du coup,
jamais le célèbre vers de ce poète n’a été cité autant de fois ni par
autant de personnalités politiques tunisiennes que durant cette
épreuve où le pessimisme et la déroute sont venus à bout de l’analyse
et du débat profond.
• Moncef Marzouki rêve d’« initier des actions concrètes qui
amèneront progressivement le pays à une solution à la Géorgienne.
» (1)
• Madame Om Zied nous apprend que c’est la « volonté de la vie et
de la liberté » qui fait défaut au peuple tunisien. Contrairement
aux Ukraniens, les Tunisiens, comme sous la malédiction du poète Abou
El Quassim Chabbi, n’aiment pas la vie.
• A l’opposition ukrainienne qui aurait su « défendre ses droits
par le Droit », chose qui a rendu facile la tâche à l'Europe de la
soutenir, Nadia Omrane aime opposer les « mauvaise» expériences
électorales de 1989 en Tunisie et de 1991 en Algérie quand les
islamistes ont remporté un large pourcentage. « Cela, l'Union
européenne, et nous non plus, nous ne l'oublions pas » (2) ,
disait-elle, comme pour nous convaincre que ce qui se tient dans le
chemin de la démocratie et du soutien occidental à la démocratisation
c’est les « méchants » islamistes.
• D’autres, en quête d’une visibilité, ont préféré les propos chocs,
qualifiant tout un peuple de couard et allant chercher les causes dans
les ADN de la culture arabo-musulmane qui serait par …« nature »
autoritaire ! Dans d’autre lieux ont auraient qualifié une telle
démarche de raciste, sinon de culturaliste tant elle s’efforce à
expliquer la volonté de la démocratie et de la liberté et son absence
sur la base des critères historiques, culturels et religieux.
Ce que je vais tenter de faire dans le reste de ce texte c’est de
démonter que ce qui s’est produit en Ukraine, en Géorgie et
auparavavant en Serbie, a sa propre logique qui découle d’un enjeu
géopolitique très distinct. Que le peuple n’est pas sorti pour
soutenir l’opposition, n’a pas réclamé le départ du pouvoir en place,
spontanément. Non, le peuple a été travaillé d’avance par une
nébuleuse d’ONG, de mouvement de base, qui ont tous respecté les
recettes de la révolution non-violente préparées minutieusement par
des spécialistes et des militants formés de façon professionnelle,
mais profitant intelligemment des travers des régimes contestés pour
les renverser.
La « révolution des roses » ou le modèle serbe.
Comment faire une « révolution des roses » ? Tel était le nom d’un
atelier de travail tenu en marge du forum social néerlandais organisé
à Amsterdam durant le mois de novembre 2004. Les invités qui ont voulu
partager avec les participants l’expérience de la révolution
non-violente sont venus de différents horizons : un jeune militant du
mouvement serbe Otpor « Résistance », un autre du mouvement Ukrainien
Pora « Il est temps ! », un troisième du mouvement géorgien Kmara «
Assez ! », et une jeune militante de la société civile arménienne.
Conscients qu’il ne peut y avoir de recette universelle capable de
renverser les régimes totalitaires, et que chaque pays doit engendrer
sa propre stratégie spécifique, les représentants des mouvements
estudiantins sus indiqués partageaient pourtant la même conviction :
la révolution non-violente est applicable dans n'importe quel pays si
ses conditions sont soigneusement respectées. Partager l’expérience et
dégager les étapes indispensables à la réussite du « modèle serbe »
était donc l’objectif de cet atelier de travail.
Le modèle des révolutions non violentes a été appliqué par les jeunes
étudiant serbes regroupés autour d'Otpor, et qui ont réussi en 2000 à
renverser le régime de Slobodan Milosevic. Unifier les partis
d'opposition terriblement divisés autour d’un objectif unique :
renverser le régime autoritaire de Milosevic. Inventer des nouvelles
formes de désobéissance civile. Exploiter toutes les formes possibles
de la contestation : satire, graffitis, caricatures, collecte des
fonds, travail d'équipe, techniques de négociation, optimisation de
l’utilisation des médias, porte à porte, étaient autant d’innovations
d’Otpor dans le domaine. D’un mouvement estudiantin et contestataire,
Otpor s’est transformé, grâce à sa réussite spectaculaire, en un «
Centre pour la Résistance Non-Violente », sis dans un gratte-ciel de
Belgrade, où les expertes ès-révolutions ont suivi les protestations
qui ont secoué à tour de rôle la Géorgie puis l’Ukranie. Lesquelles
protestations ont été organisées par des militants formés dans les
locaux et les camps d’entraînement…d’Otpor. Car c’était bien en Serbie
que les jeunes militants ukrainiens ont adopté le nom de Pora pour
leur mouvement. Le poing fermé sur les drapeaux et les bandeaux
exhibés par les manifestants à Kiev a été utilisé par l’initiateur des
révolutions non-violentes, le même mouvement serbe, Otpor.
Aleksandar Maric,
membre de ce mouvement et collaborateur de l'ONG américaine Freedom
House (Fondée dans les années soixante par la femme du Président
américain Roosevelt et dirigée par l’ancien patron de la CIA James
Woosly (3) ), a formé nombre de militants géorgiens de Kmara, l'un des
principaux acteurs de la chute de Chevardnadze, puis de Pora le
mouvement qui a permis de renverser le régime ukrainien de Viktor
Ianoukovitch. Maric, le Serbe, qui a été interdit de séjour en Ukraine
reconnaît que sa formation aux techniques de la résistance
non-violente a été assurée par un certain Robert Helvy. Et comme par
hasard ce Robert Helvy n’est rien d’autre qu’un colonel américain en
retraite, dépêché par l'IRI (Institut International Républicain) pour
initier les jeunes militants serbes aux techniques des renversements
des régimes (4) .
Les spécialistes débarquaient de toute part pour former les futurs
révolutionnaires professionnels. De l’Afrique du Sud est venu le
militant anti-apartheid Mukhiseli Jack. Des Etats Unis sont venus Gene
Sharp, théoricien des luttes non-violentes et auteur du manuel « From
dictatorship to democracy », traduit en trente langues, ainsi que Jack
DuVall officier de contre-espionnage au sein de l’armée américaine,
directeur du Centre des conflits non violents (5) et producteur d’un
documentaire subversif appliqué en Géorgie « Bring down a dictator »
(Comment renverser un dictateur ) (6) . Dans ce contexte on apprend
que « L’administration Bush aurait dépensait 65 millions de dollars
en faveurs de M. Voktor Loutchenko. Le coup d’envoi de la « révolution
» fut donné le 17 février 2002 à Kiev. Dans le cadre de la
prestigieuse fondation de M.George Soros, l’ancienne Mme Albright,
invite les représentants de 208 organisations non gouvernementales
(ONG) d’Ukraine à contester le pouvoir en place et à surveiller le
déroulement des élections parlementaires de mars. » (7)
L’information que Kmara et Otpor sont deux créations américaines
s’avère de plus en plus juste. Ces deux mouvement sont financés par le
milliardaire George Soros par l’intermédiaire de son Open Society
Institute (OSI), le National Democratic Institute et le NED (National
Endowment for Democracy) (8) installé à Washington, dirigé par
Madeleine Albright, ancienne secrétaire d'État de Bill Clinton et dont
l’un des objectifs le plus manifeste est le renversement du
gouvernement démocratiquement élu de Hugo Chavez. Dans une lettre (9)
adressée à ce dernier et signée par Madeleine Albright, le théoricien
de la fin de l’histoire Francis Fukuyama, et quelques anciens
présidents comme Vaclav Havel ancien président Tchèque et Violeta
Chamorro ancien président de Nicaragua, on retrouve le nom de Ghia
Nodia, président de la Caucasian Institute for Peace, Democracy and
Development, très actif dans les événements qui ont secoué la Gérogie.
D’un autre côté, Kakha Lomaia l’actuel ministre de l’éducation
géorgien qui a joué un rôle important dans la création du mouvement
estudiantin Kmara est le directeur de la fondation de Soros, Open
Society – Georgia Foundation.
Un an après la révolution de rose en Géorgie, le gouvernement issu de
cette révolution n’a pas tenu ses promesses de promouvoir la
démocratie et de respecter les droits de l’homme. Tout simplement
parce que c’est l’opposition qui a gagné la bataille contre le régime
despotique et non pas la démocratie ! Actuellement sous le prétexte de
préserver les acquis de la révolution des roses et au nom de la lutte
contre les contre-révolutionnaires, la presse est bâillonnée, des
journalistes sont arrêtés et le jeune leader « révolutionnaire » élu
président, Mikhail Saakashvili, s’apprête à entériner une réforme de
la constitution destinée à renforcer ses prérogatives contre ceux du
parlement (10) . Le même parlement qu’il a pris d’assaut une rose à la
main au nom des valeurs…démocratiques ! Mikhail Saakashvili traite
ceux qui osent élever la voix de traîtres. L’éditeur d’un journal qui
a émis des critiques contre certaines mesures gouvernementales a été
arrêté pour possession de drogue, rapporte Tinatin Khidasheli,
militante géorgienne des droits de l’Homme et présidente de
l’Association des Jeunes Juristes Géorgiens (11) ! Le ministre de
l’éducation aurait agressé physiquement un chercheur géorgien qui
aurait émis des critiques à l’égard de sa réforme du système éducatif,
rapporte le site géorgien de défense des droits de l’Homme (12) .
Accusée d’être contraire aux intérêts de la Géorgie, sa réforme du
système éducatif géorgien est actuellement très contestée. Lors de
l’atelier de travail tenu à Amsterdam, j’ai été surpris d’entendre le
jeune militant de Kmara dire qu’en Géorgie chaque candidat au poste de
ministre devrait avoir fait ses études à l’étranger. Toute personne
ayant fait ses études en Géorgie n’aurait aucune chance d’accéder au
poste de ministre.
Mais, ces « détails » pourtant significatifs sur la nature de cette
démocratie des roses n’intéressent plus personne. Les médias qui
étaient si attentifs aux violations des droits de l’homme sous le
règne du déchu Chevardnadze n’ont aucune envie de mentionner les
atteintes aux droits de l’homme du nouveau président. Dans tous les
cas, ces médias qui oublient de nous informer que dans l’actuelle
Géorgie post révolutionnaire il n’y a aucun journal indépendant (13) ,
étaient incontestablement un acteur politique efficace mobilisé aux
services de ces révolutions, mais en ayant leur propre agenda qui se
situe loin du simple reportage et de la couverture objective des
événements. Dans ce qui vient de se passer et dans ce qui se passe ils
sont désormais une arme redoutable dans l’arsenal des grandes
puissances qui soutiennent la démocratie et les élections libres au
gré des intérêts de leur politique étrangère.
Le but de ce qui a été dit n’est pas de prétendre que les peuples
ukrainien, serbe et géorgien étaient incapables de renverser leurs
régimes honnis. Je suis conscient que ces révolutions étaient
incapables de réaliser quoi que ce soit sans la volonté manifeste de
ces peuples de mettre fin aux règnes mafieux, corrompus et despotiques
qui étaient à l’origine de leur misère. Ce que j’ai voulu démonter
c’est que la contestation de ces dictatures et la volonté de les
abattre a, dans ces trois cas, convergé avec les intérêts des
puissances occidentales qui dès la chute de l’union soviétique et la
désagrégation du Bloc de l’Est, ont oeuvré, souvent de façon discrète,
à réintégrer cet immense espace géostratégique aux ressources
gigantesques à leurs profits géostratégiques. Le risque de voir l’Ukranie
sombrer dans une dislocation (14) et dans une guerre civile à la
yougoslave caresse le rêve de certains think-tank et stratèges
américain qui, à l’instar de Zbigniew Brzezinski, vont même jusqu’à
envisager une Russie divisée en trois Etats : Russie européenne,
République de Sibérie, et une troisième extrême orientale.
L’enjeu géostratégique de la déferlante révolutionnaire touchant l’ex
espace soviétique, la volonté d’affaiblir la Russie, de faire basculer
dans le camp occidental une Ukraine d’où transite 90% du gaz sibérien
destiné à la consommation européenne, paraissent échapper à certains
membres de notre élite qui, par une frustration plus que
compréhensible, ont comparé le cas tunisien aux cas ukrainien et
géorgien.
Retour au cas tunisien
Malheureusement, dans le cas de la Tunisie, les intérêts des
puissances occidentales ont croisé ceux du régime Ben Ali.
- sur le plan économique, c’est un régime appliquant à la lettre les
recettes du FMI, de la Banque Mondiale et de ses partenaires
européens.
- sur le plan politique c’est un régime « parfaitement » stable,
propice au « destin » touristique qui lui est assigné. Il a une
sensibilité policière sophistiquée et neutralise de façon radicale
toute compétition politique susceptible de « perturber » le calme de
ce « havre de paix et de stabilité » destiné aux touristes, aux
investisseurs étrangers, aux autre privilégiés du système et à une
classe moyenne prise dans l’étau du cycle endettement/consommation.
- sur le volet sécuritaire c’est un régime policier exportateur de
stratégies de lutte anti-islamiste et engagé avec ses puissances
protectrices dans leur guerre contre le terrorisme islamique. C’est
aussi un régime qui peut sacrifier ce qui reste de l’indépendance et
de la souveraineté nationale sur ses eaux territoriales devenues
bassin des frégates de l’OTAN engagées dans la protection de la rive
nord de la méditerranée contre deux sortes d’« invasions barbares » :
les terroriste et les candidats à l’immigration.
- sur le plan de la politique étrangère, c’est un régime qui s’aligne
sur la politique dite internationale que ce soit au sujet du conflit
israélo-palestinien ou de la guerre en Irak. Bref, c’est un régime qui
œuvre pour la paix et la stabilité mondiale, selon l’acceptation
impériale
En plus de ces garanties, la Tunisie fait partie de l’« exception
arabe », région qu’il est hautement conseillé de laisser sous le joug
des « dictatures amies » (15) plutôt que d’entraîner dans le
tourbillon des vrais processus de démocratisation aux issues
incertaines pour « la marche du monde. » La crainte d’un effet de
dominos qui emportera les régimes despotiques arabes et balaiera dans
la foulée les intérêts occidentaux est souvent éveillée. La « fâcheuse
» leçon électorale de l’Algérie ou l’épisode iranien sont constamment
employés par l’occident, mais aussi par une certaine élite nationale
hostile à toute présence des forces islamistes sur l’échiquier
politique, pour légitimer le statu quo ou défendre un projet de
société dont seront bénéficières les seules forces qui aiment se
présenter comme le camp des « démocrates ». Et on a vu en Tunisie
comment cette élite n’a pas hésité à inviter le régime policer à
intervenir pour mettre un terme au phénomène de la religiosité et du
port du voile. Une telle élite a démontré à maintes reprises qu’elle
peut s’accommoder d’un régime qui joue bien son rôle de vrai rempart
contre l’islamisme s’il lui confie les rênes de la société civile et
de la défense des droits de l’Homme.
Que peut donc proposer une opposition émiettée, dépourvue de tout
soutien populaire et plus concernée par la défense de ses petites
chapelles que des intérêts de la nation ? Que peut-elle offrir de
mieux que le régime tunisien pour que la OSCE (Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe) et le tissu d’ONG satellitaires
aillent contrôler comme ils le font ailleurs les élections
présidentielles en Tunisie ? Comment espérer voir le peuple répondre
aux appels de ceux qui le méprisent, le traitent de couard et le
dénuent de sa qualité de peuple pour l’abaisser au rang de l’animal et
de la poussière.
Plutôt que de rêver d’une solution à la géorgienne ou à l’ukrainienne,
il serait plus opportun de commencer par respecter le peuple puis par
réviser les stratégies d’actions politiques inefficaces, désuètes et
dépourvues de tout esprit innovateur.
Laissons de côté le soutien logistique, financier, politique et
médiatique dont les trois révolutions, serbe, géorgienne et ukranienne,
ont bénéficié, et essayons de retenir quelques leçons utiles données
par ces expériences :
- Toutes ces révolutions ont répondu à un besoin de changement d’une
population à bout de souffle, paupérisée et travaillée par la haine du
pouvoir.
- L’existence dans ces trois pays d’un mouvement de base (Otpor ,
Kmara, Pora) qui, tout en n’étant pas un parti politique, a œuvré à
préparer le terrain à une cohabitation avec un parti de l’opposition
politique classique qui soit bien déterminé à renverser l’ancien
régime.
- Tous ces mouvements de base ont trouvé une marge de liberté de
mouvement minimale qu’ils ont exploitée pour l’élargir et occuper
davantage le terrain de la contestation.
- Toutes ces révolutions ont adopté une approche technique plus que
politique : optimisation de l’organisation, diversification des moyens
de communication, etc.
- Toutes ces révolutions ont visé les structures sur lesquelles
s’appuient les dictatures (police, armée, milices, médias, justice aux
ordres, populations obéissantes ou terrorisées) en cherchant à les
étouffer pour que le système s’effondre ou à les convaincre de lâcher
le pouvoir. La dérision à joué un rôle central pour ridiculiser le
pouvoir et amener le peuple à se débarrasser lentement de sa peur. Ce
qui explique la vulgarisation de l’utilisation des caricatures, des
graffitis, des autocollants et de la satire.
- Tous ces mouvements ont développé deux politiques de communication
distinctes : une négative qui critique les travers du régime, la
corruption, la pauvreté, l’injustice sociale, le favoritisme, le
manque de libertés...etc. ; et une positive qui cherche à recruter la
jeunesse, à convaincre le peuple de la nécessité du changement et,
dans les trois cas, à l’amener à voter pour l’opposition.
- Ils ont aussi diminué la charge du discours politique et insister
sur les problèmes sociaux et économiques car le peuple y prête
attention. Ce sont ses problèmes de tous les jours. Et comme le
précise un militant de Pora : « Il s’agissait de pointer du doigt
des problèmes sociaux. Des attaques contre les dysfonctionnements
politiques n’auraient mobilisé qu’une minorité d’Ukrainiens.»
- Les trois révolutions ont exploité le piège des élections où les
régimes ont été condamnés à frauder pour se maintenir au pouvoir.
C’est la pierre angulaire des trois révolutions.
- Et c’est vers cette phase finale que convergent les stratégies de
communication et de contestation, les opérations-chocs pacifistes et
le bras de fer de l’opposition avec le pouvoir. Toutes ces actions
sont soutenues pas un vaste tissu d’ONG qui vérifient et contrôlent
tout le processus électoral.
- Le reste a été le travail décisif des médias qui « s’appuient sur
la prétendue neutralité du monotoring des organisations
internationales, exhibent les preuves réelles des falsifications et
participent à la mobilisation du plus grand nombre.» (16)
Ironie de l’histoire : en Tunisie, c’est l’ « Initiative démocratique
» qui a voulu adopter quelques principes de la stratégie inspirée du
modèle serbe. En optant pour la participation contestataire aux
élections du 24 octobre 2004, et en comptant sur le soutien de
certaines ONG et médias étrangers, l’ « Initiative démocratique » a
brûlé des étapes essentielles et commis plusieurs fautes : l’absence
d’un mouvement de base qui sert de catalyseur entre le peuple et
l’opposition ; une opposition déchirée et en perte de légitimité ;
absence de stratégies de communication visant à impliquer le peuple.
Et c’est ce dernier point qui caractérise le plus l’ « Initiative
démocratique » : elle a choisi de s’isoler du peuple pour représenter
une « frange de l’élite tunisienne ». Plus grave encore, et comme
vient de le rappeler à juste titre le militant maître Najib Hosni dans
son appel « Non à l’incitation au meurtre », l’ « Initiative
démocratique » est en train de ranimer le discours éradicateur qui n’a
fait jusqu’à aujourd’hui que des dégâts catastrophiques sur le
rendement de l’opposition au général Ben Ali et sur le dossier de la
défenses des victimes de l’oppression et des droits de l’homme en
général. Avec de tels discours et approche, l’« Initiative
démocratique » agit contre le premier principe de toutes ces
révolutions : au lieu de saper la logique du régime dictatorial, elle
ne fait que la renforcer.