L’impact des chaînes satellitaires arabes
Olfa Lamloum*
Le 7 août dernier, la chaîne qatarie Al-Jazira interrompait sa programmation pour diffuser en direct une séquence assez inhabituelle. Le Premier ministre irakien, Iyad Allaoui, venait à peine d’annoncer la décision de son gouvernement de fermer le bureau de la télévision satellitaire à Bagdad que la police irakienne envahissait les lieux et ordonnait aux journalistes l’application de la nouvelle disposition. Aussitôt, le bureau de Al-Jazira était fermé pour une durée d’un mois[1]. Des millions de téléspectateurs ont été les témoins directs de la mise au pas musclée d’un média. Ils ont pu d’ailleurs constater que la nouvelle police irakienne, supposée agir pour le respect de la loi, ne disposait d’aucun document officiel autorisant une telle intervention.
La scène a suscité la réprobation quasi unanime des médias arabes et internationaux. Dans les jours qui suivirent, des dizaines d’éditoriaux exprimèrent leurs doutes quant à l’authenticité de la « nouvelle ère démocratique » annoncée en Irak. Le New York Times considère même que le nouveau gouvernement « au cours de ses six premières semaines a commencé à faire preuve de ce même autoritarisme qui a étouffé la démocratie dans de trop nombreux États des environs »[2].
Nombreux ont été les observateurs qui ont vu dans l’interdiction de la chaîne qatarie une mesure préventive visant à neutraliser un témoin encombrant à la veille de ce que l’armée américaine appelait, au début du mois d’août 2004, « l’offensive majeure » contre l’Armée du Mehdi à Nadjaf[3]. Il est vrai que l’intronisation du nouveau gouvernement intérimaire le 28 juin 2004 n’a pas décrispé la gestion des médias internationaux en Irak. Les nouvelles autorités ont multiplié les intimidations, tentant ainsi de les tenir à l’écart des différents champs de bataille. Le dernier épisode de Nadjaf a confirmé la nervosité des autorités irakiennes vis-à-vis des médias arabes[4]. Des officiels irakiens, à l’instar du ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, ont reproché à plusieurs reprises à Al-Jazira, Al-Arabiya (chaîne d’information continue à capitaux saoudiens et émiratis), Al-Manar (chaîne généraliste du Hezbollah) et Al-Alam (chaîne d’information continue iranienne en langue arabe) leur « partialité » dans la couverture de l’actualité de leur pays.
Ces accusations, qui viennent en écho aux critiques de l’Administration Bush, soulignent l’enjeu majeur que représentent désormais ces médias. Les chaînes satellitaires arabes ont acquis un poids dans le champ médiatique global qui atteste la marginalisation des médias occidentaux dans la couverture de l’espace arabo-musulman. Elles témoignent du ressentiment populaire dans cette région du monde vis-à-vis des États-Unis, qui ont échoué dans leur tentative de « gagner les cœurs et les esprits ».
L’information filtrée par les marines
Une série d’articles publiés dans The New York Review of Books a récemment suscité une grande polémique dans les milieux des médias aux États-Unis[5]. Évoquant le traitement par la presse américaine de la guerre d’Irak, Michael Massing, de la prestigieuse Columbia Journalism Review, présente « le compte rendu dévastateur d’un aveuglement volontaire aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie journalistique »[6]. L’auteur dénonce l’incapacité de cette presse à se distancier de la version officielle sur l’affaire des armes de destruction massive (ADM) et critique en particulier le mea culpa tardif du New York Times, dont la couverture de l’avant-guerre n’a pas été, de son propre aveu, « aussi rigoureuse qu’elle aurait dû l’être »[7]. M. Massing fustige également le penchant du Times à éviter de trop mettre en avant les coûts humains de « l’après-guerre » en Irak : « À quelques exceptions près, la rédaction a éliminé de la première page toute trace de sang ou de mort »[8]. Il critique son hésitation des premiers jours à rendre compte des abus dans la prison de Abou Ghraïb. Il évoque également le silence du Washington Post à propos de la demande de l’Administration Bush de 25 milliards de dollars supplémentaires en mai 2004 pour le budget des opérations en Irak et en Afghanistan.
Le dernier article de la série s’attarde sur la couverture par les médias américains de la dernière bataille de Fallouja au début du mois d’avril 2004[9]. Considérant que la ville était trop dangereuse pour les journalistes américains, les correspondants des grands médias ont couvert l’événement « embarqués » avec les marines. C’est ainsi que les combattants irakiens « sont restés invisibles » et que la population locale demeurait « de façon frustrante hors de notre portée »[10]. Leur récit de la bataille, souligne M. Massing, a donc été « filtré par les marines », ne donnant à la voir que du point de vue de l’armée américaine. Par contraste, M. Massing rappelle que Al-Jazira, disposant d’un correspondant dans la ville, était en mesure de transmettre plusieurs fois par jour « des reportages dramatiques sur les combats ».
L’épisode de Fallouja est révélateur des conditions d’intervention des médias américains sur la scène irakienne aujourd’hui. Il participe d’une tendance lourde à l’œuvre depuis le début de la guerre d’Afghanistan : pour des raisons idéologiques (patriotisme impérial), de sécurité (restrictions imposées par le statut d’« embarqué » ou risque de présence dans certaines zones) et de langue, le journalisme états-unien est de plus en plus contesté quant à sa capacité à rendre compte d’une façon indépendante de la conflictualité dans l’espace arabo-musulman. Le phénomène est apparu clairement lors de la première guerre du Golfe en janvier et février 1991. À l’époque, les grands médias globaux, et CNN au premier chef, n’avaient pas réussi à convaincre le public arabe de l’argument de la « légalité internationale », mobilisé pour défendre ce que d’aucuns considéraient seulement comme une richissime monarchie pétrolière. Le besoin s’est fait sentir d’un journalisme arabe à même de profiter de la technologie digitale et de rompre avec ce qui était vécu comme la violence symbolique du récit occidental.
Mais c’est surtout la guerre d’Afghanistan qui a révélé le discrédit généralisé des grands médias occidentaux dans le monde arabo-musulman. Elle consacre de surcroît une alternative crédible. En octobre 2001, depuis Kaboul sous domination des Talibans, Al-Jazira a été le seul témoin de la première guerre du siècle « contre le terrorisme ». Sa couverture a pour la première fois inversé le sens du flux de l’information, naguère uniquement dirigé du Nord vers le Sud. Al-Jazira s’est imposée comme producteur d’images et d’informations sur l’Afghanistan. Pis encore, elle a rendu visible l’ennemi numéro un des États-Unis, Oussama Ben Laden. La chaîne a pénétré dans des millions de foyers en Europe comme aux États-Unis. Dans la foulée, une nouvelle figure du journalisme voyait ainsi le jour – le (la) correspondant(e) de guerre arabe – et un récit journalistique panarabe prenait forme.
Dès novembre 1996, le lancement de Al-Jazira avait provoqué une brèche dans le champ médiatique arabe jusqu’alors sous contrôle étroit des régimes autoritaires[11]. La chaîne qatarie innove. Désormais, informer n’est plus le rituel de retransmission rébarbative de la parole et des cérémonies du monarque ou du président à vie. Le débat contradictoire, le duel politique et la parole contestataire surgissent malgré la censure dans les foyers arabes. Pour la première fois, un média en langue arabe, maîtrisant les nouvelles technologies de l’information, s’affranchit à la fois du contrôle des pétrodollars saoudiens et de celui des élites autoritaires au pouvoir, et rapporte les informations sur le monde arabe comme il n’a jamais été permis de le faire. Al-Jazira brise le tabou de la vérité officielle et absolue, élève le seuil de la parole publique autorisée et rend visible une opposition politique jusqu’alors criminalisée par les régimes en place. La chaîne devient à la fois référence et phénomène.
La confirmation de son hégémonie médiatique dans le monde arabe arrive avec la couverture du début de la seconde Intifada et de l’opération « Renard du désert » contre l’Irak. Son impact est tel qu’il finit par remodeler le paysage médiatique transnational, comme l’atteste le lancement de la nouvelle chaîne rivale Al-Arabiya en février 2003, avec l’objectif affiché de concurrencer Al-Jazira. Elle apparaît aujourd’hui en définitive comme une imitation de Al-Jazira, l’impertinence en moins.
Les évolutions géopolitiques et technologiques ont eu pour corollaire de réduire la « fracture médiatique » dans l’espace arabe. Désormais, ce dernier se représente par lui-même et boude de plus en plus les lieux occidentaux de production de l’information.
L’Irak en apporte la meilleure illustration. D’une façon certes inégale, des chaînes comme Al-Jazira, Al-Arabiya, Abu-Dhabi TV, Al-Manar et Al-Alam ont investi massivement la scène irakienne, surtout depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Elles sont présentes dans des zones où les médias occidentaux ne peuvent plus se risquer. Leur grande mobilisation, leur proximité linguistique, voire religieuse – comme dans le cas de Al-Manar et de Al-Alam dans les zones à majorité chiite –, ou encore la méfiance de certains acteurs de la scène irakienne vis-à-vis des médias occidentaux leur ont permis l’accès à des informations exclusives. À des degrés différents, ces chaînes apparaissent aujourd’hui comme des acteurs dans le conflit en Irak. N’ont-elles pas provoqué des débats entre les différents protagonistes, participé à la visibilité, voire à la promotion d’acteurs non agréés par les nouvelles autorités irakiennes, et contribué même aux négociations, par enregistrements interposés, avec des preneurs d’otages[12] ?
Au-delà de l’Irak, l’observateur attentif de la scène satellitaire arabe ne peut que constater que, désormais, du Darfour à Gaza, en passant par le Yémen et le royaume wahhabite, l’ancrage des nouveaux médias arabes dans leur environnement est manifeste. BBC World, CNN, le New York Times, Asahi Shimbun[13], les grands quotidiens sud-coréens[14] et l’ensemble de la presse internationale s’y réfèrent de plus en plus dans leur couverture du monde arabe.
Contester l’ordre impérial
Cette nouvelle situation autorise les nouveaux médias à contester la narration journalistique impériale, qui repose sur une posture d’extériorité vis-à-vis du monde arabe. Elle permet d’en proposer une nouvelle qui, à défaut d’être objective – ce qui n’est certainement pas la première marque du journalisme sous quelques cieux que ce soit –, participe à la remise en cause du « consensus occidental établi » critiqué par Edward W. Said, un consensus qui appréhende le monde arabe comme « une affreuse nuisance, un lieu culturellement et politiquement inférieur »[15]. Al-Jazira, Al-Arabiya, Abu-Dhabi TV, Al-Manar et Al-Alam s’adressent à un public arabe, lui donnent à voir son environnement tout en s’appuyant et en donnant forme à son imaginaire et à ses aspirations. Ce faisant, elles témoignent chacune à leur manière des deux sentiments populaires majeurs dans leur environnement : la demande démocratique et le ressentiment anti-impérial.
Al-Jazira demeure le porte-voix le plus abouti, au point de constituer un enjeu géopolitique de taille. Quelques exemples suffisent pour en illustrer la portée. En avril 2004, Al-Jazira a été le seul média à figurer parmi la liste des cent « personnalités mondiales les plus influentes » publiée par l’hebdomadaire américain Time. Depuis son lancement en 1996, le nombre de plaintes déposées auprès du Qatar par les régimes arabes contre la chaîne s’élève à plusieurs centaines. En mai 2004, Washington a lancé une nouvelle chaîne d’information continue, Al-Hourra (La Libre), censée marginaliser la chaîne qatarie.
Son impact, Al-Jazira le doit à sa grande crédibilité auprès de son vaste public (les chiffres varient entre 35 millions et 50 millions de téléspectateurs)[16] : le succès de son site Internet et la popularité de ses correspondants en sont les meilleures preuves[17]. Si Al-Jazira est appréciée, c’est parce qu’elle a été et demeure la chaîne la plus rebelle et la plus audacieuse dans le paysage médiatique arabe. Malgré ses relations ambiguës avec son État tutélaire, la monarchie du Qatar, Al-Jazira est à la fois le meilleur reflet du malaise et des traumatismes d’une région du monde marquée par les guerres et l’autoritarisme, et le lieu de visibilité le plus large des opinions informelles censurées et criminalisées par les gouvernements arabes.
Une telle force a conféré à la chaîne un poids politique et médiatique considérable dans la région au point de constituer un défi pour la stratégie états-unienne. La guerre d’Irak l’a abondamment prouvé. Grâce à une mobilisation exceptionnelle, déployant des moyens financiers et humains considérables, Al-Jazira a investi plusieurs scènes de ce conflit en mars 2003. Elle a été présente aussi bien à Bagdad, Bassora et Mossoul, trois villes sous contrôle du régime de S. Hussein, que dans le Kurdistan irakien avec les troupes américaines à travers un journaliste « embarqué ». Dès lors, sa contestation frontale de la guerre n’en a eu que plus de force. La chaîne qatarie est ainsi apparue, malgré la forte concurrence médiatique, comme un acteur de la guerre. Elle a ainsi été partie prenante de la bataille des intelligibilités en choisissant de refuser l’agenda impérial officiel de la guerre, la lutte contre les « ADM » et la « démocratisation de l’Irak ». La guerre menée par l’Administration Bush a été présentée par Al-Jazira comme une agression néocoloniale, une conquête de la terre qui « ne peut se racheter que par une idée »[18].
Elle a également été partie prenante de la bataille des mots en choisissant de caractériser la guerre comme une « guerre contre l’Irak » menée par « les forces d’invasion ». Les deux termes ont fini par s’imposer dans quasiment tous les médias arabes et par délimiter la grille de lecture dominante du conflit. La chaîne a exclu de son récit tous les termes guerriers empruntés au discours militaire qui ont contaminé, parfois inconsciemment, les médias occidentaux. Son récit a été expurgé du « nettoyage » des « poches de résistance » et des « avancées de l’armée de la coalition ». Al-Jazira a aussi été partie prenante de la guerre des images, en s’autorisant dès le 23 mars 2003 à montrer pour la première fois des images de cadavres et de prisonniers de guerre de l’armée américaine. Insensible à « l’épopée » de la soldate Jessica Lynch et à son sauvetage « spectaculaire », Al-Jazira a plutôt choisi de mettre en avant la résistance inattendue à Oum Qasr et à Nassiriya. Elle a même, preuves à l’appui, osé contredire certaines désinformations états-uniennes concernant par exemple une fatwa de Ali Sistani ou la pseudo-reddition d’une division de la Garde républicaine à Bassora[19].
Certes, la chaîne qatarie n’a pas été à l’abri de quelques dérapages propagandistes orchestrés par le parti Baas. Néanmoins, elle a su dans l’ensemble préserver sa ligne indépendante, ce qui lui a valu la décision du régime de S. Hussein d’expulser un de ses correspondants et de suspendre l’accréditation d’un autre. L’épisode irakien a fait de Al-Jazira une cible privilégiée des intimidations et des critiques de l’Administration Bush. Cette dernière n’a cessé, depuis mars 2003, de multiplier les mises en garde à l’encontre de la chaîne. Al-Jazira a payé le prix fort avec le bombardement de son siège à Bagdad, le 8 avril 2003, et la mort de son plus jeune correspondant. La prise de Bagdad et la fin officielle de la guerre n’ont pas mis fin à ses mésaventures. Rien d’étonnant car tout en profitant de la disparition du régime de S. Hussein pour renforcer sa présence en Irak, Al-Jazira reste fidèle à sa ligne de contestation « des forces de l’occupation ». Certes, le récit journalistique s’efforce de traiter la scène irakienne dans sa pluralité et ses contradictions[20], mais il s’attache à mettre en avant la « résistance à l’occupation » et les conséquences des bombardements de l’armée américaine sur les civils. La couverture de la bataille de Fallouja en avril 2004 va intensifier les pressions états-uniennes sur la chaîne. Les intimidations et les critiques obligeront Al-Jazira à tempérer certaines de ses expressions sans renier sa ligne éditoriale[21].
Nouvelles chaînes et nouvelles stratégies impériales
En moins de deux ans, trois nouveaux médias en langue arabe financés par Washington ont vu le jour. Il s’agit de la radio Sawa (Ensemble), inaugurée en mars 2002, du magazine Hi ! (Salut !), dont le premier numéro a été distribué durant l’été 2003, et de la chaîne Al-Hourra (La Libre) basée en Virginie du Nord, lancée le 14 février 2004. Si Sawa semble trouver sa place dans le morne paysage radiophonique arabe en raison de sa programmation musicale attrayante, l’accueil réservé à Hi ! et Al-Hourra est visiblement moins chaleureux. Le quotidien londonien Al-Qods Al-Arabi rapporte que même le Premier ministre irakien, I. Allaoui, considère la chaîne états-unienne comme une perte d’argent[22].
Mais, abstraction faite de l’impact de ces nouveaux médias, leur création répond à deux objectifs. D’un côté, l’Administration Bush cherche à redorer son image plus qu’écornée auprès d’un monde arabe exaspéré par ses politiques impériales et agressives. De l’autre, elle ambitionne de marginaliser, faute de pouvoir les domestiquer, des médias qui donnent corps à ce ressentiment à son égard. Parvient-elle à son but ?
Sawa, Hi ! et Al-Hourra traduisent un double aveu. Le premier est relatif à l’impact des médias arabes. L’Administration Bush a pris conscience de leur capacité de nuisance. Dans le même temps, elle a compris que, désormais, elle ne peut plus s’appuyer sur les médias officiels pour se faire entendre. Aveu d’échec, certes. Mais parvient-elle à gagner le « cœur et les esprits » des Arabes avec ce nouveau et coûteux déploiement médiatique ? Ce ne sont sans doute pas les tubes du Top 10 américain et arabe diffusés à longueur de journée par Sawa qui auront un effet décisif sur la perception de la politique américaine au Moyen-Orient. Or, la chaîne Al-Hourra, seul média clairement politique parmi les nouveaux-nés états-uniens, peine à trouver son public. Son problème est simple : « Peut-elle supposer que les Arabes la regarderont s’ils n’y voient pas les Palestiniens se faire massacrer et les Israéliens les opprimer ? », remarque Nabil Dajani, professeur de communication à l’Université de Beyrouth[23]. Ce point de vue très partagé dans le monde arabe compromet considérablement les chances de réalisation de l’objectif assigné à la chaîne états-unienne.
L’autoritarisme des élites dirigeantes arabes, la colonisation israélienne et le déni des droits nationaux des Palestiniens, les politiques impériales des États-Unis et les nouvelles technologies de l’information ont permis la naissance d’un nouvel acteur : les chaînes satellitaires. Il transcende les frontières, déjoue la censure et complique les jeux politiques et les stratégies hégémoniques impériales. Il est le reflet d’un monde arabe en mutation qui n’échappe pas au désordre de l’après-guerre froide.
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* Politologue, coordinatrice de programme à l’Institut Panos et enseignante à l’université Paris X-Nanterre. L’auteur peut être contactée à l’adresse e-mail suivante : olfa.lamloum@wanadoo.fr.
[1]. Le 4 septembre 2004, les autorités irakiennes ont décidé de prolonger indéfiniment la fermeture du bureau de la chaîne à Bagdad.
[2]. « Banning Bad News in Iraq », The New York Times, 10 août 2004. Plusieurs médias ont repris et commenté la décision. BBC World a largement traité la question, The Guardian y a consacré un éditorial dans son édition du 10 août 2004. De même, plusieurs journaux arabes ont critiqué la mesure, y compris des journaux saoudiens souvent critiques vis-à-vis de la chaîne. Voir notamment l’édition de Al-Watan du 9 août 2004 : Al-ru’bu al i’lâmi [La panique médiatique] disponible en arabe sur Internet à l’adresse suivante : http://www.alwatan.com.sa/daily/2004-08-09/writers/writers05.htm, consulté le 3 septembre 2004.
[3]. « L’offensive majeure » n’a pas eu lieu car Ali Sistani a fini par imposer sa paix.
[4]. Aussi, le 15 août 2004, soit en plein siège de Nadjaf, la police irakienne invita-t-elle les journalistes à quitter la ville sous peine d’être arrêtés et de voir leur matériel confisqué. La veille, elle avait arrêté le correspondant de la seule chaîne arabe présente dans la ville de Kout, Al-Manar, la télévision du Hezbollah. Le 13 août, le cameraman de la chaîne Al-Arabiya avait été arrêté à Nadjaf. Le 25 août 2004, toute l’équipe de Al-Arabiya a été arrêtée à Nadjaf pendant quelques heures, car il semble que le dernier direct du correspondant de la chaîne, au cours duquel il décrivait l’intensité des raids américains sur la ville sainte, n’ait pas été apprécié. (Al-Qods Al-Arabi, 26 août 2004).
[5]. L’ensemble de ces articles est repris dans un livre à paraître au mois de septembre 2004 sous le titre Now They Tell Us. Publisher : New york review of books, NEW YORK SEPTEMBER 2004.
[6]. George Packer, « In response to Unfit to Print », The New York Review of Books, vol. 51, n° 13, 12 août 2004.
[7]. C’est dans ces termes que le New York Times a fait son autocritique dans son éditorial du 26 mai 2004. Voir « The Times and Iraq », 26 mai 2004.
[8]. Michael Massing. « Unfit to Print ? », The New York Review of Books, vol. 51, n° 11, 24 juin 2004.
[9]. Ibid.
[10]. Selon les propres dires de Pamela Constable, correspondante du Washington Post en Irak.
[11]. C’est suite au retrait du capital saoudien du projet d’une chaîne en arabe de la BBC que fut créée Al-Jazira. Née de la volonté de fonder une chaîne arabe non inféodée aux régimes en place, la nouvelle chaîne fut lancée début novembre 1996 à l’initiative du Cheikh Hamad Bin Khalifa Al-Thani, l’émir du Qatar.
[12]. Le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, s’est rendu à Doha le 1er septembre 2004 afin d’accorder un entretien exclusif à Al-Jazira pour s’adresser directement aux ravisseurs des deux journalistes français retenus en otages, Georges Malbrunot et Christian Chesnot.
[13]. Grand quotidien japonais, tirant à des millions d’exemplaires, connu pour ses positions pacifistes.
[14]. Voir http://www.aljazeera.net/art_culture/2004/5/5-6-3.htm, consulté le 3 septembre 2004.
[15]. Edward W. Said, Culture et impérialisme, Paris, Fayard / Le Monde diplomatique, 2000, p. 68.
[16]. Dans son récent ouvrage, William A. Rugh reprend à son compte l’information selon laquelle Al-Jazira est la chaîne la plus regardée parmi ses concurrentes. William A. Rugh, Arab Mass Media. Newspapers, Radio and Television in Arab Politics, Londres, Praeger, 2004.
[17]. La large mobilisation dans le monde arabe en faveur de la libération de Tayssir Allouni, ancien correspondant de la chaîne à Kaboul arrêté en Espagne en septembre 2003, en est le meilleur exemple.
[18]. Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, Paris, Garnier Flammarion, 1993, cité par E. W. Said, op. cit.
[19]. Voir Olfa Lamloum, « Al-Jazira à l’épreuve de la guerre contre l’Irak » in Olfa Lamloum (sous la dir.), Irak. Les médias en guerre, Paris, Sindbad Actes Sud, 2003, p. 199-236.
[20]. Une nouvelle émission hebdomadaire, « Al Mashhad al Iraqi » [La scène irakienne], a été lancée au lendemain de la chute de Bagdad.
[21]. Al-Jazira emploie l’__expression de « milices du dirigeant chiite Moqtada Al-Sadr », contestée par certains de ses téléspectateurs. À partir du 28 juin 2004, Al-Jazira a abandonné le terme d’« armée d’occupation » pour parler exclusivement de « l’armée des États-Unis ».
[22]. Al-Qods Al-Arabi, 30 août 2004.
[23]. Paul Cochrane, « Is Al-Hurra Doomed ? », 11 juin 2004, disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://www.worldpress.org/Mideast/1872.cfm, consulté le 3 septembre 2004.
(Source: La revue internationale et stratégique, n° 56, hiver 2004-2005)