Plitique , Etat de droit et democratie en Tunisiie
Par Noura BORSALI

Je me rappelle toujours les premiers jours après la destitution de Bourguiba, à l’aube du 7 novembre où, du fond de nos somnolences matinales, nous fûmes tirés par l’appel radiophonique du « 7 novembre » annonçant le changement à la tête de la magistrature suprême. Pour tous, ce fut sans conteste « un coup d’Etat » blanc, pacifique, propre à ce pays qui ne connut jamais de grands bouleversements sanguins comme en Afrique ou en Amérique latine et où on a toujours favorisé « la négociation » et « la modération » au lieu de l’affrontement.

C’était la politique de Bourguiba et de son parti, le Néo-Destour. Alors, les discours affluèrent sur le caractère pacifique de ce «coup d’Etat» qui avait « libéré la Tunisie du chaos » dû à la sénilité de Bourguiba. Le pays était en effet devenu ingérable lors des dernières années de son règne du fait de cette valse des ministres créant une instabilité politique sans précédent, de l’ampleur des intrigues du palais, de l’étendue de la contestation islamiste et de la multiplication des procès les condamnant jusqu’à la peine de mort. Etat aggravé par une situation économique et financière pas très satisfaisante avec l’application, à partir de 1986, d’un Programme d’ajustement structurel (P.A.S.).

Avec du recul aujourd’hui, on peut se poser bien des questions : N’y avait-il pas eu manipulation et utilisation de cette ambiance d’insécurité propagée, à bon escient, pour légitimer un départ qui était, à mon sens, nécessaire à ce moment de l’histoire du pays ? Y aurait-il eu une participation étrangère indéniable ? Les islamistes avaient-ils pactisé avec une quelconque partie moyennant une reconnaissance ultérieure pour entretenir la subversion et le chaos nécessaires à tout changement institutionnel ?

Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste, sauvé de la potence par l’actuel président, a été bien reçu, discrètement, par Ben Ali, au lendemain du « 7 novembre », le mouvement islamiste toléré, la centrale estudiantine syndicale (U.G.T.E.) autorisée et le quotidien (« El Fejr » « L’aube ») permis. D’ailleurs, jusqu’à ce jour, persistent des interrogations sur le départ discret de Ghannouchi en exil, à Londres où il vit toujours. Alors que les militants de son mouvement se retrouveront face à une répression sans merci du pouvoir. Ce que certains ne manquent pas de le lui reprocher aujourd’hui encore jusqu’à lui contester la paternité absolue du mouvement. Toutefois, d’aucuns reconnaissent que les islamistes ont joué un rôle fondamental dans la destitution de Bourguiba.

Durant ces premiers jours du « changement », les espoirs avaient repris. Le texte de la Déclaration qui aurait été écrite par Hédi Baccouche, un cacique du parti au pouvoir, devenu, pendant quelque temps, Premier ministre avant d’être écarté par Ben Ali pressé de donner moins de pouvoir au Premier ministre dont il rectifia le tir en modifiant, par la loi constitutionnelle no 88-88 du 25 juillet 1988, l’article 57 y afférant. Sans doute de peur de pouvoir subir, un jour, le même sort que Bourguiba destitué, selon la constitution, par son Premier ministre.

Bourguiba n’a jamais, son règne durant, associé les militaires à son pouvoir civil. Il a toujours veillé à tenir l’armée à l’écart de toute participation à la vie politique. Et, voilà que, pour la première fois de son règne sans partage, il fit appel à un militaire en la personne de Ben Ali, et, comme par une ironie du sort, il fut destitué par ceux-là qu’il a toujours craints. On appellera cela « la faute de la fatalité », selon la formule flaubertienne.

Ainsi, la vie politique connut, après le 7 novembre 1987, un dynamisme et une vitalité relatives, avec des changements juridiques, une reconnaissance de quelques associations, une reprise de quelques titres de presse et une ouverture sur les composantes de l’opposition tunisienne avec lesquelles, sous la houlette d’une figure indépendante présidant aux destinées de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, on entreprit l’élaboration d’« El mithek el watani » « Pacte national » : texte réaffirmant les principes fondateurs de ce qu’on appelait abusivement « la nouvelle république » et qu’avaient également signé les islamistes.

Je fus, à cette époque, sollicitée, en tant que journaliste, pour participer à un débat télévisé sur ce pacte auquel j’apportais mon soutien quant à un consensus de toutes les parties sur les droits fondamentaux de la personne humaine, en réaffirmant toutefois, l’urgence et la nécessité de séparer l’Etat du parti, de la distinction entre les trois pouvoirs, de la dynamisation de la vie publique et de la reconnaissance, dans les textes comme dans la pratique, du principe de l’égalité des citoyens et particulièrement des femmes et des hommes.

On ne passa à la télévision, ce soir-là, que le passage relatif à la défense des droits des femmes. J’étais cantonnée dans le seul domaine dont on me permettait de me préoccuper : la question spécifique des femmes. Certes, à cette époque, je dirigeais au « Maghreb » une rubrique « Femmes » et m’activais dans un Mouvement autonome de femmes. J’avais publié le premier article qui ait été écrit, à cette date (15 novembre 1987, à la Une du quotidien « La Presse »), sur la question de la menace qui commençait à peser sur les droits des femmes au lendemain du « 7 novembre ».

J’avais écrit ce texte pour montrer à quel point, dans nos pays, la régression nous guette, telle une épée de Damoclès. En effet, la destitution de Bourguiba accomplie, le bruit courut, incessant, dans le pays, autour du renoncement à la monogamie et d’une éventuelle institution d’une bigamie restrictive.

A la propagation de cette rumeur se sont employés les chauffeurs de taxis qui sont, pour la plupart, soit des indicateurs du ministère de l’intérieur, soit des sympathisants des islamistes. « Bourguiba est parti, s’évertuait-on à nous rappeler, fini le code du statut personnel ». Cela pouvait démontrer à quel point Bourguiba s’était identifié, tout au long de son règne, à un « libérateur incontesté des femmes » et un protecteur sûr et intransigeant du « sexe faible », au point qu’il avait réussi à faire admettre que la question des femmes était d’abord la sienne propre.

Une panique s’empara de nous. Et, nous engagions, dans tous les cadres qui nous étaient permis ou d’autres créés à l’occasion, une campagne pour la défense et la consolidation de nos droits et aussi pour leur évolution. Des pétitions et appels en direction de la Présidence furent lancés jusqu’au discours du 20 mars 1988 dans lequel le Président Ben Ali assura qu’il n’y aurait aucun retour en arrière. Nous avions attendu trois mois pour avoir droit à une confirmation définitive qu’il n’y aurait aucun changement.

Aujourd’hui, avec du recul, qui avait intérêt, à cette époque, à un tel renversement de situation ? En répandant une telle rumeur, oh combien efficace, pour tester les opinions et les orienter dans nos pays fermés aux pratiques démocratiques, le nouveau pouvoir ou encore les islamistes n’auraient-ils pas été tentés d’opérer le changement ? Je ne saurais l’affirmer mais nous nous sommes tellement « accommodés » de telles pratiques d’opinion que tous les doutes seraient permis.

L’ILLUSION DEMOCRATIQUE

Ces trois années-là (1988-fin 1990) pendant lesquelles l’on débattait, s’activait, tentait de construire quelque peu un pays autre, passèrent vite. Elles connurent, à la suite des élections présidentielles et législatives du 2 avril 1989 une bipolarisation RCD / Nahdha (Destouriens / islamistes) parfaitement manigancée, le MDS et les autres partis participants ayant été marginalisés par de faibles scores.

L’opposition légale avait, en effet, commis une terrible erreur tactique et stratégique qui coûtera à la Tunisie un long règne absolu de ce même parti-Etat qui emploiera tous les moyens pour verrouiller la vie politique du pays et s’imposer comme la seule autorité « légitime ».

Au lieu de négocier ou, au mieux, d’imposer, une présidentielle pluraliste dans un contexte où le nouveau président était à la recherche de la seule légitimité démocratique qui lui permettrait d’exercer le pouvoir en l’absence –et bien heureusement- d’une « légitimité historique » dont Bourguiba s’est targué durant son règne, l’on vit –hélas déjà- un blanc-seing donné par l’opposition légale au seul candidat Ben Ali qui briguera seul la magistrature suprême et s’imposera, durant toutes ces années, comme le seul chef incontesté.

Aussi, face à cette bipolarisation de la vie politique, nombreux étaient-ils ceux qui s’étaient d’emblée rangés derrière le pouvoir par crainte du danger intégriste. Et ce fut les retournements de vestes d’une certaine élite, le ralliement de nombreux militants de gauche et d’extrême gauche au parti au pouvoir et l’intégration dans le gouvernement de personnalités indépendantes.

L’apport de certains éléments de la gauche fut, à mon sens, déterminant pour le parti qui les a utilisés pour mieux manœuvrer contre nos milieux syndicaux et de droits de l’homme. Je pense, aujourd’hui, profondément qu’une certaine gauche a joué un rôle fondamental dans l’institution d’un nouvel autoritarisme étouffant toutes les autres formes d’expression libre et indépendante d’une Tunisie qui se voulait démocratique.

Je ne peux nier qu’à cette époque, j’avais soutenu l’entrée dans le gouvernement du nouveau ministre de l’Education nationale, personnalité indépendante malmenée d’une part par les nationalistes arabes et les « démocrates progressistes » critiquant sa « francophilie », et d’autre part par les islamistes conscients de l’enjeu que constituait sa nomination par Ben Ali à la tête de l’Education nationale.

En effet, le gouvernement Mzali des années 1980 a énormément aidé les islamistes, en révisant les programmes, en arabisant l’enseignement de la philosophie et en l’orientant dans le sens d’une interprétation ne relevant pas toujours d’une rationalité rigoureuse. Et puis, étant enseignante, j’étais outrée par l’état de nos écoles, de nos programmes et par l’intolérance de plus en plus affichée de nos élèves. Et aussi par l’instabilité ministérielle qu’a connue notre secteur à la fin du règne de Bourguiba où l’on vit se succéder divers ministres qui ne restaient pas parfois plus de 6 mois.

Le nouveau ministre de l’Education nationale que je ne connaissais pas du tout, personnellement, à cette époque, représentait, pour moi, un espoir de changement compte tenu des valeurs qu’il portait en tant que défenseur des droits humains et juriste respecté, se réclamant de tout cet outil rationnel et de cette philosophie des droits humains qui pouvaient permettre à nos élèves de réfléchir par eux-mêmes.

Oui j’assume pleinement aujourd’hui ce soutien, à cette époque. J’ai cru aux principes de sa réforme et à sa dynamique de changement. J’allai, à la Chambre des députés, écouter les débats autour de son projet dont je rendais compte dans le « Maghreb », comme je m’activai dans des comités de soutien contre les campagnes de ses adversaires. Oui, je n’ai aucune honte, aujourd’hui, à dire que, pendant ces trois années de répit, j’ai rêvé et cru à un changement possible.

Plus tard, avec la répression farouche des islamistes et la mort de deux étudiants au campus universitaire, nous envoyions des messages à notre ministre pour qu’il démissionne. Nous avions compris à quel point nous étions piégés.

Pourtant, ce fut une époque où nous nous exprimions librement dans le « Maghreb » et menions les débats les plus beaux. Notre directeur Omar S'habou, un journaliste chevronné de la presse, ayant dirigé d’abord la presse destourienne, pour Bourguibien qu’il fût et il le demeurera toute sa vie, avait fait de son hebdomadaire un lieu de rencontre et d’expression de toutes les tendances politiques du pays.

Je garde, jusqu’à ce jour, en souvenir nos réunions de rédaction où, rassemblés, tous, autour d’une table, nous décortiquions l’actualité nationale au prix parfois de divergences exprimées. Je crois que, depuis ces années, je ne connus plus jamais un fonctionnement aussi démocratique, une ambiance aussi amicale et tendre, des rapports splendides qui faisaient que S'habou veillait à nous divertir en organisant parfois des weeks-ends de réflexion sur le journal dans un des hôtels de Hammamet. Je frémis aujourd’hui en remontant ce temps qu’on a veillé à démolir définitivement.

Ce fut une expérience journalistique inouïe, après mes débuts dans l’hebdomadaire indépendant « Le Phare » datant de l’époque Mzali et qui connut de multiples suspensions et interdictions surmontées -difficilement - par la ferveur de Abdejéllil Béhi, son directeur qui fut englouti dans des dettes considérables. Ce fut, pour moi, une belle expérience où l’on s’exerçait à la liberté de la presse dans des conditions –le moins que l’on puisse dire-difficiles.

L’IMPOSSIBLE CONSTRUCTION

Durant ces années 1989-1990 et face à cette bipolarisation qui ne reflétait en rien le paysage politique du pays, dans nos milieux de gauche et indépendants, nous entreprîmes le projet de créer une alternative démocratique et progressiste pour briser cette bipolarisation artificielle.

Le mouvement, pour avoir été lancé par une déclaration signée d’abord par 150 personnes, fut dénommé « Les 150 ». Il draina beaucoup de gens de toutes tendances confondues et de tous horizons: libéraux, marxistes, syndicalistes, sans idéologies etc… Nos réunions se succédèrent et notre initiative fut très fortement soutenue par l’hebdomadaire « Le Maghreb ». Je fus la seule femme à faire partie du comité de liaison que nous avions constitué à cet effet. Mais, divers facteurs militèrent en défaveur de l’éclosion de ce mouvement : les divergences qui s’aggravaient, les manœuvres avec le pouvoir de certains animateurs, la lutte pour le leadership qui commençait timidement à se manifester et enfin la crise du Golfe de 1990 qui nous divisa et brisa définitivement cette dynamique qui avait pourtant apporté un petit brin d’espoir à ceux et celles qui voulaient réhabiliter le politique et construire une alternative sérieuse et crédible.

Un rêve de plus parti en fumée qui nous a fait rater un moment historique important où nous aurions pu fixer notre présence sur l’échiquier politique du pays. Voilà encore ce que j’appelle « l’impossible construction » qui a fait de nous des générations ratées.

La crise du Golfe provoqua des débats houleux qui ont terriblement marqué le mouvement dit démocratique autour du soutien apporté à la dictature de Saddam Hussein et à ses velléités hégémoniques. Nous étions quelques-uns, fortement décriés pour avoir tout ensemble soutenu la souveraineté du Koweït, critiqué les visées d’occupation de Saddam Hussein et condamné énergiquement l’intervention, en Irak, des Américains et de leurs alliés qui nous donna bien des déprimes et des révoltes incroyables.

Ces événements ont vu la déroute du mouvement islamiste et surtout les excès et l’hystérie de certains militant(e)s des droits de l’homme qu’on regardait, hébétés, dans nos manifestations, appeler à l’utilisation par Saddam des gaz chimiques contre Israël alors que nous, nous nous réfugiions derrière nos banderoles réclamant la Paix et l’arrêt de la guerre. Les discours belliqueux d’une certaine opposition ne cessèrent de nous étonner au point de consommer la rupture. Le pouvoir profita de cet événement régional pour verrouiller toute voix discordante. « Le Maghreb » fut interdit et Omar S'habou arrêté et condamné à 10 mois de prison ferme.

J’interrompis mes activités journalistiques depuis cette date, dégoûtée par tant de démolition et fidèle à l’esprit et à l’époque du « Maghreb ». De toute façon, tout était déjà verrouillé et aucune possibilité d’expression libre ne s’offrait plus à nous. Comme le montre ma demande d’un magazine féminin intitulé « La Maghrébine » que j’avais déposée, le 09 mars 1991, après l’interdiction du « Maghreb » et qui, en dépit du soutien de la presse nationale à mon projet, resta, jusqu’à ce jour, et 13 ans après, lettre morte.

Ainsi commença ma longue période de « taisance » et de repli sur moi-même dans un pays qui m’était devenu étranger et duquel je m’étais sentie totalement exclue :
Ce petit pays qui est pourtant mien, pétri de sable et d’argile, d’arbustes et de dunes, de soleil et de lune.

Et c’est ainsi que les Tunisiens congédiés d’un espace public devenu continuellement quadrillé, apprirent à organiser leurs lieux en dehors de toute sociabilité ouverte, retranchés dans leurs propres territoires, fermés sur eux-mêmes et recroquevillés sur leurs familles, exacerbant leur égoïsme et leur individualisme.

Nous perdions nos rires d’antan pour retomber dans nos humeurs maussades et nos déprimes devenues, lors de nos rencontres au détour d’une rue, d’une gare ou d’un marché, nos seuls sujets de conversations transformées, après nos quid novi, en d’éternelles plaintes. Et, alors, en nous regardant bien dans les yeux, nous nous posions cette question : « Que nous est-il arrivé pour que nous en soyons là ? ».

Nous tentions tant mal que bien d’y répondre en nous redonnant nos coordonnées pour tenter de re-nouer et de re- construire ce qui était, au fond, définitivement brisé par tant de désillusions de nos durs temps « nouveaux » et que nous ne réussissions plus jamais à rebâtir, en dépit de nos promesses répétées.

Parce que, tout simplement, le cœur n’y est plus.

L’ELITE ET LE POUVOIR

Car, nous, Tunisiens, vivions depuis le 7 novembre 1987 cette « taisance » et ce terrible paradoxe : Tout en existant dans une société de « communication », nous demeurons une société de censure. Nous vivons dans ce qu’on appelle « un village planétaire » mais qui est, pour nous, un monde fermé à la pratique démocratique. Et cette parole blessée, interdite d’exhibition, a trouvé un refuge dans nos fors intérieurs pour tisser des petits forums privés où nous faisions en silence le travail de nos désillusions.

Comme je m’évertuai à penser à la crise de l’engagement et de ses vertus démocratiques qui a frappé l’élite tunisienne en m’interrogeant de la sorte : Signer des pétitions, s’engager dans une participation citoyenne est-il devenu archaïque pour certains car nous avons disparu du paysage public pour camper dans un attentisme circonspect ? Nos idées sont-elles mortes ? Sont-elle immolées sur l’autel de la Bourse ? Notre rapport à la politique a-t-il changé au point que l’engagement sartrien n’est plus vécu comme « une injonction morale » ?

Car, il est vrai que beaucoup de démocrates se sont détournés du champ politique qui n’est plus valorisant, au profit d’affaires privées et de leur réussite sociale somme toute légitime mais qui se mesure désormais à l’argent gagné et à la réalisation des rêves devenus soudain bourgeois. Et, pour mieux dénoncer cette manière qu’a eue une certaine élite tunisienne de s’accommoder de cet état de fait produit par le 7 novembre, je m’armai du très bel essai du penseur américano-palestinien Edward Saïd, « Des intellectuels et du pouvoir ».

Dans son analyse que j’ai trouvée très vraie pour notre cas, il écrivait : « Le monde d’aujourd’hui regorge plus que jamais de ces membres de professions libérales, d’experts, de consultants, d’universitaires, en un mot d’intellectuels dont la principale fonction est de faire autorité dans leur domaine tout en gagnant beaucoup d’argent ». Pourtant, écrivait-il encore, rien ne défigure l’image de l’intellectuel que le louvoiement, le silence prudent, le vacarme patriotique et le reniement théâtral » tout en définissant l’intellectuel comme « un exilé, un marginal, (…), l’auteur d’un langage qui tente de dire vrai au pouvoir ».

Je tombai, un jour, sur un excellent article sur la Tunisie de 1987, « Tunisie, le mirage de l’Etat fort », publié par la revue « Esprit » que je savoure, jusqu’à ce jour, pour la pertinence de son analyse. L’auteur, fin connaisseur de la Tunisie comme il n’en existe pas beaucoup, avait si bien écrit : « Le repli, pour ne pas dire, l’apparente soumission des intellectuels tunisiens qui ont abondamment témoigné de leur sens critique sous le règne de Bourguiba, relève de plusieurs facteurs : la désillusion avec la fin des certitudes d’un marxisme compact et les premiers engouements pour une pensée poste moderne légitimant le relativisme, l’illusion avec la pratique de l’autocensure et l’accoutumance à la censure au nom de la défense d’une société civile menacée par les nouveaux barbares » (les islamistes).

Et, cela est d’autant plus vrai qu’il m’est arrivé d’entendre des intellectuels disserter sur la nécessité d’un « despotisme éclairé » pour la Tunisie du 7 novembre face au « danger intégriste », soutenant et justifiant la répression farouche du mouvement islamiste qui, par inadvertance peut-être, s’était présenté, en 1989, sur des listes indépendantes, aux premières et seules élections libres de la Tunisie du « 7 novembre » et avait réalisé, dans certaines circonscriptions, près de 30% du suffrage exprimé.

Le pouvoir mesurant ses réelles forces qui ne lui permirent pas toutefois d’accéder à la Chambre des députés, s’engagea, au lendemain de la Guerre du Golfe, dans une répression sans merci du mouvement islamiste qui nous donna beaucoup de panique et d’effroi.

Je me souviens que j’avais eu des discussions houleuses avec des compagnons de route à propos de cette répression qui frappait, ces jours-là, les islamistes pour s’étendre, après, à toutes les composantes d’une société civile naissante. De ces amis, je m’étais éloignée, ne comprenant pas comment on pouvait être défenseurs de droits humains et soutenir, de vive voix ou par nos silences complices, une répression démolissant des familles entières en recourant aux moyens les plus inhumains comme la torture et les pressions de toutes sortes.

Ces abus seront confirmés, à partir de témoignages vivants de certains rescapés, des déclarations de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et surtout des rapports d’organisations internationales de défense de droits de l’Homme comme Amnesty International et beaucoup plus tard de ceux du « Conseil National pour les libertés en Tunisie », non reconnu, qui a fait un travail de mémoire appréciable sur les exactions commises.

Je n’adhère pas, de toute évidence, au projet islamiste et me suis engagée à le combattre parce qu’il ne peut s’adapter aucunement à l’évolution de notre société ni à celle du monde. Je pense que les islamistes ont fini par le comprendre, après leurs déboires en Algérie, en Egypte, au Maroc etc… pour chercher à s’intégrer plus intelligemment dans le jeu politique et dans les institutions républicaines en se réclamant de la philosophie des droits de l’homme qu’ils avaient pourtant combattue par le passé comme un simple produit d’un Occident conquérant mais qui a servi à les protéger contre la répression qui s’est abattue sur eux.

En 1989, nous avions organisé une manifestation contre le discours électoral islamiste, à la veille de la clôture de la campagne électorale de 1989 que j’avais couverte pour le magazine « Le Maghreb » et qui m’avait scandalisée par la remise en cause des droits des femmes et l’appel à une révision du code du statut personnel.

Eux (les islamistes), le même jour, s’étaient dirigés vers la coupole d’El Menzah où le candidat Ben Ali clôturait, par un discours, sa campagne pour les premières présidentielles de son règne, lâchant leurs ballons « banafçagi » (violet, même la symbolique de la couleur sera confisquée, plus tard, hélas, par la centrale syndicale pour devenir, « par pique »contre les islamistes, celle du parti au pouvoir) dans le ciel, signe de leur soutien au seul candidat de ces élections. Je me souviens de ce jour où nous appréhendions l’affrontement qui n’eut pas lieu.

C’était de bonne guerre. J’étais également farouchement opposée à toute alliance –même tactique- avec eux contre le pouvoir et à tout compromis avec leur projet théocratique. Pour moi, les démarcations doivent être claires et nettes, loin de toute politique politicienne. Cela ne m’empêchait pas de les soutenir contre la répression et de demander une amnistie générale qui mettrait fin à tant d’années d’emprisonnement qui n’en finissent pas, et à tant d’années d’exil injustes et inacceptables.

Aujourd’hui, quand je pense à toutes ces prisons et à tous ceux qui y sont depuis plus de dix ans, je ressens un frémissement et une culpabilité qui me mettent mal à l’aise, surtout quand nous parviennent, du fond de leurs horribles geôles, des nouvelles de leurs grèves de la faim dans lesquelles certains se sont éteints ou les appels qu’ils nous adressent désespérément à nous, êtres libres. Je ne suis pas pour la répression de mes adversaires politiques. Je rêve d’une démocratie qui accepterait que toutes ces composantes -sans exception aucune- faisant partie du paysage politique- puissent s’exprimer librement, quand bien même les islamistes seraient plus forts que nous par leur discipline, leur abnégation et leur militantisme qui débordaient à l’époque.

Je me souviens qu’à cette époque électorale, les femmes islamistes faisaient du porte-à-porte et allaient dans les hammams (bains maures) à la rencontre des femmes. Oui, j’ai toujours pensé qu’ils tiraient leur force aussi de nos faiblesses et de nos limites en matière de mobilisation réelle. Nous étions, quelque peu, une opposition de salon, même si nos moyens et nos combats étaient inégaux et plus ardus. Certes, pour nous autres démunis de moyens, il fallait, de surcroît, aller défendre nos idées à contre-courant d’une société attirée davantage par les statu quo et les tentatives de régression, au nom d’une identité arabo-musulmane figée et sclérosée que d’évolutions possibles.

Eux avaient, certes, les lieux de culte qui leur permettaient d’être quotidiennement au contact des foules, la vérité révélée intouchable et incontournable qu’ils interprétaient à leur guise et des réseaux relationnels de solidarité impressionnants. Pour nombreux de leurs adeptes, les islamistes ont eu ce mérite de vouloir opposer à un Occident hégémonique un modèle différent puisé dans la culture religieuse telle qu’ils l’ont conçue.

En fait, ils voyaient, dans l’existence de ce mouvement, une véritable résistance à toutes sortes d’assimilation et d’occidentalisation rapides et exagérées qu’ils ne pardonneront jamais à Bourguiba qui entreprit, dès l’indépendance, une oeuvre d’occidentalisation de leur société vécue comme une agression contre leur identité arabo-islamique.

MODERATION ET …VIOLENCE

Pourtant, mon pays peut s’enorgueillit de ses 3000 années d’histoire. Que de conquêtes il a connues sans qu’elles altèrent ni sa permanence, ni son unité. Imperturbable, la Tunisie a affronté les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Turcs et même quelques passagères incursions normandes et espagnoles au point qu’on a eu cette maladresse de dire, selon André et Raymond et Jean Poncet que, « pour avoir été successivement punique, romaine, arabe, turque et française*, la Tunisie n’avait jamais été « tunisienne ».



C’était, écrivent-ils encore, oublier qu’il a également été aghlabite sous le califat abbasside, Ziride sous les chiites Fatimides, Hafside sous les Almohades, Turque, Mouradite et Husseinite dans l’empire ottoman.

Ce sont toutes ces expériences dont mon petit pays sortit victorieux qui ont fait de lui un creuset où s’entrelacent des cultures riches et diversifiées, sans avoir été tenté par des déchirures raciales, linguistiques ou religieuses. Arabe et musulmane à 98% avec des îlots de berbérophones à Gafsa, Matmata et Djerba, la Tunisie a su triompher par son unité, quand bien même ses premiers habitants libyens se seraient nourris du « substrat berbère » et du libyco-berbère (André et Raymond et Jean Poncet, déjà cités).

Oui, mon petit mien pays est pétri de sable et d’argile, d’arbustes et de dunes, de soleil et de lune.

Quant à mon peuple, il a su cultiver la générosité et la modération en ne recourant qu’à de rares occasions à la violence pour se défendre contre les agressions. J’adore la dignité et la générosité des gens du Sud, la bravoure des gens du Nord et la résistance de ceux confrontés aux aléas du climat et du dénuement…

Mon peuple vaque à ses occupations, parfois avec une nonchalance désinvolte. Mais, il a cette intelligence de cultiver la nuance et la modération en s’offrant des plaisirs quotidiens. On le voit alors, pendant ses moments de détente, fumer son narguilé sur la terrasse de nos cafés, jouer aux cartes pour tuer le désœuvrement, inventer des blagues et rire aux éclats en dépit des temps difficiles jusqu’à se détourner de ce qui pourrait lui attirer des ennuis.

Et, là, pour se protéger, il a cette capacité de s’accommoder, de s’adapter, voire de se retourner qui nous exaspère souvent. Si bien qu’il est le peuple du compromis. Pourtant, que de combats héroïques il a menés contre l’injustice et la fermeture, rarement avec violence. Et quand le sang a coulé, lors des événements de 1978 ou de 1984, ce sont des balles qui l’ont transpercé injustement, écrasant des siens à jamais.

A son pacifisme légendaire, on a, durant les années de colonisation mais aussi pendant les décennies de notre indépendance, opposé les pires violences pour mâter ses prises de paroles légitimes.

Pourtant, mon peuple est pétri
De narguilé et de vertiges
D’Allah et de sa gloire

Alors, qu’est-ce qui pourrait expliquer tant de violence dans un pays où la modération populaire semble l’emporter? Pourquoi nos gouvernants n’ont –ils pas étudié, analysé, ou tenté simplement de comprendre que ce peuple n’est pas fait pour la violence et que la Tunisie aurait pu, compte tenu de tous les avantages historiques, religieux, ethniques et humains qui fondent son homogénéité tout en respectant sa diversité, être, aujourd’hui, un vrai modèle de pays démocratique pour le monde en développement ?

Je n’hésiterai pas à dire que c’est peut-être pour tout ce qui le caractérise qu’il est l’un des rares pays au monde à avoir ce beau privilège d’être à l’écart de tensions et de conflits qui déchirent et divisent ailleurs.

Alors, pourquoi tant de violence dans la manière de nous gouverner? Cette violence a commencé déjà, dés avant l’indépendance, par la manière forte de mâter le mouvement yousséfiste en s’autorisant toutes les exactions inacceptables dans ce lieu devenu hélas légendaire « Essabat edhlem»(« Passage des ténèbres »), pour se défaire des adversaires youssefistes en commandant et en reconnaissant, plus tard, et en toute impunité le crime perpétré contre Salah Ben Youssef; en ruinant les familles beylicales et en pillant leurs richesses, après la destitution, en juillet 1957 -somme toute légitime- de la dynastie beylicale tant contestée par les Tunisiens ; en portant à la potence ceux qui s’étaient hasardés, un jour de décembre 1962, à commettre un coup d’Etat contre Bourguiba, exprimant ainsi leur ressentiment contre les événements de Bizerte de 1961 ; l’interdiction de toute voix libre à partir de cette même année, pour que règnent la pensée unique, un leader unique et un Etat-parti unique.

Et la violence est alors devenue un mode de gouvernement qui triomphera, jusqu’à ce jour, contre nos corps frileux, nos bouches balbutiantes et nos pensées errantes et aventureuses. Pourtant, les œuvres réalisées ne manquaient pas parfois de génie comme l’instauration du régime républicain mais qu’on a accompagnée d’abus et d’injustices.

Comment expliquer alors cette violence qui a brisé tant de vies pour installer la peur en nous et nous détourner d’un pays qui est nôtre et que nous aimons au point que nos jeunes, aujourd’hui, ne rêvent que de s’en défaire, au risque d’aller fondre dans les abîmes des mers après avoir tenté, sur des embarcations légères, de traverser le large, avec pour seul rêve : la lueur d’un rivage d’un pays voisin, l’Italie ?

Tandis que d’autres jeunes, superbement diplômés, iront offrir leur « substantifique moelle » aux laboratoires de recherches canadiens et américains, après avoir payé des sommes colossales et parfois se faire arnaquer. J’ai toujours été ahurie par cette fuite de nos jeunes intelligences. C’est ainsi que je ne vis plus jamais, et depuis des années, certains de mes étudiants très brillants disparus dans ces contrées à la recherche du bonheur et de leur épanouissement individuel, intellectuel et scientifique.

Que reste-t-il d’un pays s’il perd ses jeunes intelligences ?

Alors au lieu de tempérer et essayer de comprendre les comportements de leurs concitoyens, nos autorités, bien qu’elles aient maté terriblement le mouvement islamiste, continuent, « en silence », à feindre de le craindre. Elles n’hésiteront pas, par la même occasion, à brandir le danger d’un tel retournement à leurs partenaires internationaux, se présentant comme le seul rempart possible et sûr contre la montée de l’ « intégrisme ».

Il est d’autant plus vrai que non seulement le terrorisme en Algérie qu’on étalait quasi quotidiennement, durant les années 1990, sur la Une de nos quotidiens que l’après 11 septembre furent une « aubaine » pour le pouvoir. Il a utilisé ces événements régionaux et internationaux pour montrer, au monde, la justesse de sa politique suivie jusque-là en matière de répression de l’islamisme pour persister dans le verrouillage politique sans laisser transparaître, pour nous, une petite lueur d’espoir ou d’ouverture possible.

LE TOUT SECURITAIRE

Alors sa seule politique est de contrer toute déviation, manu militari, avec toujours et rien que le « tout » et les moyens sécuritaires en employant des méthodes répressives pour harceler, interdire et condamner et empêchant d’en informer ou d’engager le moindre débat sur la question de ce regain impressionnant de religiosité dans un contexte particulier de l’histoire du monde musulman.

Alors comment peut-on reprocher, à nos jeunes et moins jeunes concitoyens, de verser dans des formes d’intolérance ou de dissidence, quand les débats font défaut, que l’information est muette et que l’expression est interdite sur ce qui les préoccupe, les travaille et les inquiète ?

Imaginez, un moment, un pays qui ne peut dire un mot autre, qui ne peut s’informer librement, qui ne peut s’exprimer librement, qui ne peut éditer librement, qui ne peut créer librement, qui ne peut dire librement son avis ou s’opposer à une idée, une mesure ou une décision qu’il est pourtant sommé d’appliquer, parfois à son insu, comme toutes ces taxes que nous découvrons en payant nos factures ou nos assurances de voitures devenues lourdes sans raisons valables.

Imaginez, un instant, un pays qui ne connaît aucun nouveau mouvement ou courant artistique, de jeunesse, philosophique, scientifique ou encore idéologique et politique.

Imaginez, un moment, un pays qui, au lieu d’inventer et de créer, est sommé de vivre dans un immobilisme paralysant dans un monde pourtant en perpétuel mouvement.

Nous vivons, en réalité, dans un exil effroyable dans notre propre pays, toutes sortes de paraboles nous y aidant et nous détournant de notre patrie en perte de sens.

Ce pays-là, c’est la Tunisie où, c’est à ce prix que nous payons quotidiennement cette image que nos officiels voudraient donner de lui au monde : un pays, « havre de paix et de stabilité ».

Comme si un pays pouvait n’être fait que de pierres, de marbre et de terres en étouffant la diversité et la richesse de son peuple.

Tristes pratiques qui ne servent en rien notre pays : Une Tunisie que nous voulons à l’avant-garde des pays du monde, une Tunisie de la tolérance et du respect des différences. Car la force d’un pays réside dans la force de sa société civile et dans le respect de sa citoyenneté. Les méthodes balisant une prétendue peur ne sont plus de mise. La Tunisie de ce nouveau millénaire se veut celle de la démocratie et contre des pratiques inacceptables qui portent préjudice à l’image de notre pays. La Tunisie qui est mienne n’est pas celle de la peur et de la menace... Ni celle de la voix unique et de la pensée unique. Mais celle d’une différence et d’une citoyenneté reconnue et affirmée...

Car, il s’agit bien de l’image du pays ternie par l’option sécuritaire du régime politique bâti sur un Etat qui se veut fort, avec des réflexes de préservation se traduisant par plus de fermeture et d’aliénation et par une sorte d’unanimisme, créant un immobilisme ambiant et empêchant l’émergence d’un leadership alternatif.

En cela, cette « ère nouvelle » a échoué à consommer la rupture avec le bourguibisme dans son absolutisme pour l’avoir régénéré en l’aggravant par une logique sécuritaire qui nous a bien donné des frissons.

Le régime du 7 novembre ne devrait tirer sa force que de la seule légitimité démocratique sur laquelle est bâtie la « Déclaration du 7 novembre » lue par Ben Ali lui-même ce matin-là, du 7 novembre 1987, à 6h30’, à la radio nationale. C’est lui qui nous a tirés de notre torpeur matinale pour nous annoncer et promettre des lendemains meilleurs.



« L’époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni président à vie, ni succession automatique à la tête de l’Etat desquelles le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d’une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse », nous-a-t-il dit ce matin du 7 novembre 1987. Où en sommes-nous dix-sept ans après ?

Ces promesses ont-elles été tenues? A-t-on réalisé les principes de cette « Déclaration » qui demeure la seule et unique source de la légitimité du pouvoir actuel ? La Tunisie du 7 novembre qui fut saluée, à ses débuts, par la presse internationale, est aujourd’hui constamment contestée et épinglée par cette même presse et par toutes les organisations internationales des droits humains, jusqu’au comité de l’ONU des droits de l’Homme.

Y a-t-il eu vraiment « changement » ? Nous vivons toujours sous le monopole du parti-Etat, le Rassemblement constitutionnel démocratique (R.C.D., ex-Parti Socialiste Destourien) qui a battu, avec le Baath syrien, tous les records de longévité dans le monde arabe, accaparant le pouvoir et quadrillant le pays depuis l’indépendance, sous un pluralisme de façade où c’est le pouvoir qui choisit la proportion de la représentation et les candidats de son opposition légale au Parlement, sous la restriction étouffante du champ médiatique et associatif et -pis encore- dans un système fortement policier où nous nous apercevons tous les jours de toutes sortes de corps constitués pour nous contrôler davantage.

La dernière réforme constitutionnelle et le référendum organisé, à cet effet, en 2003, consacra pour nous l’échec total, l’alternance étant étouffée dans l’œuf et la « succession à la tête de l’Etat » étant devenue « automatique » par le truchement constitutionnel qui a ôté toutes les chances à mon pays pour être un « modèle démocratique ». Ce jour-là, la Tunisie, consacra désormais « l’exception arabe ».


SOURCE: TUNISNEWS DU 6 NOVEMBRE 2004

Comments
on Nov 08, 2004
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